Auteur : Jean-Pierre Verney

L'album de photographies inédites et restaurées.

Un voyage dans le temps. L'histoire se fait avec des textes. Cette formule célèbre, vertueuse et flamboyante semble ignorer l'émouvante découverte d'un monument, d'un objet, d'un vestige, d'une photo, tous témoins concrets d'un temps passé souvent mystérieux qui, par la force des jours, s'éloigne chaque jour un peu plus vers l'oubli.

Cet ouvrage n'est donc pas tout à fait un livre d'histoire.

C'est avant tout un voyage dans le temps, celui de la violence et de la guerre donc de la mort; mais curieusement il se transforme vite au fil des images en une découverte d'un monde de vie, d'espérance et de débrouillardise.

Les documents présentés dans cet ouvrage proviennent d'une collection personnelle commencée il y a plus d'une trentaine d'années – 1500 plaques stéréoscopiques, des centaines de tirages sur papier argentique, des dizaines d'albums personnels constitués à l'époque par des combattants. Malgré la richesse de ce fonds il aurait été impossible d'illustrer, de manière chronologique et événementielle sans omissions ni cassures, cette guerre, pardon cette « Grande Guerre ». Pas de photos officielles de conférences ou de personnalités, pas de clichés d'attaques à la baïonnette, pas une image sur le vif d'une mort violente ni de gros plan d'un visage convulsé par la souffrance, mais une série d'instants volés, humble vision souvent bouleversante d'un quotidien commencé dans la chaleur d'un été et qui s'enlise très vite dans le cauchemar de la guerre des tranchées.

Ceci ne prétend pas être un éclairage nouveau sur une guerre qui a enfanté tant de témoignages. Ceux-ci, sans doute, ont été rendus nécessaires et voulus expiatoires par l'importance du traumatisme causé par cette Guerre de 1914-1918.

Simplement, c'est une sorte d'histoire dans l'histoire.

Pour la première fois un bouleversement majeur a été fixé par la magie de la photographie et du cinématographe, procédés incontestables qui prouvent que quelque chose a bien eu lieu. Il faut donc profiter de cette chance et prendre le temps de regarder. Il n'y a pas voyeurisme à contempler ces gestes, ces regards, ces situations saisis sur le vif ou posés, pâle reflet d'une époque où le tragique pouvait éclater à chaque instant sans prévenir. Sans ces fragiles témoignages, une grande partie de l'histoire n'aurait fait que passer… et s'éteindre.

Et que découvrons-nous ? Des victimes, des coupables, des révoltés… Non, simplement des hommes emportés par un événement exceptionnel et qui va, sans complaisance, broyer leur siècle.

Une certitude s'impose au fur et à mesure que les pages se tournent : sans les informations révélées par ces photographies, il ne serait pas possible de démêler un peu du mystère qui entoure chacun de ceux qui ont eu un rôle dans la tragédie. L'attrait, le charme, la pudeur de ces petites parcelles de souvenirs, fragiles instantanés d'une seconde privilégiée, nous obligent à regarder droit l'enfer qu'ils connurent de leur vivant. Nous sommes bien éloignés d'une gentille image d'Épinal, rassurante et colorée. Certains même voudront y voir une mémoire, mais alors prudence, évitons que celle-ci ne soit que le miroir de ce que le présent a retenu de l'événement passé.